No. 54/4    décembre 2001

 

Deux visage pour une seule héroïne
Didon et Enée à Genève

par Catherine Buser

 

Du 13 au 24 octobre derniers, le Grand Théâtre de Genève se payait le luxe d'offrir aux mélomanes du Bâtiment des Forces Motrices deux lectures scéniques et musicales du chef-d'oeuvre tragique de Henry Purcell, Didon et Enée. Récit d'une aventure aussi surprenante que passionnante...
 

Didon et Enée... Nul n'est encore parvenu à percer les mystères que le chef-d'oeuvre de Henry Purcell dissimule dans ses pages sublimes. Quand l'oeuvre a-t-elle été créée? Dans quelles circonstances? Pourquoi est-elle l'unique opéra (entendez par là oeuvre scénique entièrement chantée) du compositeur anglais? Comment expliquer la modestie de ses dimensions et de son effectif? Qu'est devenu le Prologue, ainsi que les choeurs et les danses perdues du second acte? Autant de questions auxquelles la musicologie tente toujours de trouver des réponses satisfaisantes. De nombreuses hypothèses ont certes été avancées au cours des dernières décennies, mais sans parvenir à des conclusions définitives.

 

Un pensionnat de jeunes filles...

Pendant longtemps, on a admis que Didon et Enée avait été composé pour le pensionnat de M. Josias Priest à Chelsea, et que la création de l'oeuvre avait été assurée par les jeunes demoiselles de l'internat en 1689. Dans les années 1990, deux chercheurs, Bruce Wood et Andrew Pinnock, remettent en cause cette tradition et avancent une nouvelle théorie fort bien argumentée, selon laquelle l'oeuvre aurait été donnée pour la première fois à la cour de Charles II en 1683, hypothèse qu'une autre équipe de chercheurs dirigée par Andrew Walking réfute aussitôt, situant la date de création sous le règne de Jacques II, au cours de l'année 1687. Alors Didon et Enée , opéra de cour ou oeuvre d'école?

Le successeur de Renée Auphan à la tête du Grand Théâtre de Genève, Jean-Marie Blanchard, a fait appel à Hervé Niquet et Christophe Perton pour apporter leurs réponses à cette question. Séduits par les multiples interprétations possibles de la tragédie, le chef d'orchestre et le metteur en scène se sont entendus pour offrir aux mélomanes du Bâtiment des Forces Motrices deux lectures musicales et scéniques qui correspondent aux deux interprétations avancées par les musicologues. La première partie de la soirée se déroule ainsi dans l'univers quasi carcéral d'un pensionnat de jeunes filles anglais, à une période indéterminée. Dans une perspective qui n'est pas sans rappeler l'idéal du Cercle des Poètes disparus, l'opéra naît de l'imagination des demoiselles qui, la nuit tombée, quand toutes les portes sont verrouillées, transforment leur dortoir en salle de spectacle. A la lueur des seules bougies, les jeunes filles s'investissent des différents rôles, modelant avec ingéniosité leurs chemises de nuit en costumes de circonstance (costumes signés Olga Karpinsky). Cette astucieuse économie de moyens se reflète également dans l'effectif instrumental voulu par Hervé Niquet, un ensemble réduit à dix musiciens, quatre cordes, deux flûtes à bec, trois théorbes et un clavecin...

 

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