Un siècle de regards sur Pelléas et Mélisande La parole aux compositeurs par Sylvie Douche et Jean-Christophe Branger
Au lendemain des premières représentations de Pelléas et Mélisande, Alfred Bruneau porte un jugement pour le moins prémonitoire:
Rarement un ouvrage lyrique aura, en effet, suscité autant de commentaires -- élogieux ou acerbes -- de la part des critiques, des musicologues mais aussi des compositeurs qui, sans être toujours pleinement conquis, considèrent Pelléas et Mélisande comme un ouvrage fondamental du XXe siècle. Leurs sentiments, livrés dans des écrits, entretiens ou correspondances sont rassemblés ici en sachant que cet inventaire ne saurait être exhaustif et que d'autres musiciens, comme Janacek, Berg, Falla ou Hindemith, ont probablement apprécié la valeur de l'opéra sans laisser, à notre connaissance, de témoignages personnels précis. La place de Pelléas et Mélisande dans la pensée des compositeurs se mesure d'abord par l'action indélébile que l'ouvrage va exercer sur certains d'entre eux. Henri Dutilleux considère ainsi cet opéra comme «l'oeuvre la plus marquante du XXe siècle». Découvrant Pelléas et Mélisande dès l'âge de dix ans, Olivier Messiaen partage ce sentiment en avouant: «Cette partition fut, pour moi, une révélation, un coup de foudre; je l'ai chantée, jouée et rechantée indéfiniment. Je discerne là probablement l'influence la plus décisive que j'ai reçue.» Son enthousiasme ne s'émoussera jamais puisque pour fêter la création de l'oeuvre en 1952, il s'exclame:
Cet avis bien tranché, qui reconnaît de multiples innovations à Pelléas et Mélisande, est cependant loin de faire l'unanimité, notamment dans les jours ou les années qui suivent la création. Les compositeurs des générations antérieures à celle de Debussy se montrent bien souvent troublés, voire rétifs. Dans une lettre à Saint-Saëns, Charles Lecocq exprime avec humour sa totale incompréhension:
Autrement novateur que le spirituel auteur de la Fille de Madame Angot, Rimsky-Korsakov s'avère pourtant lui aussi insensible à l'art de Debussy. Après avoir assisté à une représentation à l'Opéra-Comique en 1907, il avoue à Diaghilev: «Ne me faites plus entendre des horreurs de ce genre: je finirais par les aimer» et confie à un critique:
En revanche, Vincent d'Indy et Paul Dukas ne mâchent par leurs mots et soutiennent sans ambage le drame lyrique de Debussy dans les premières lignes du compte rendu qu'ils livrent à la presse. Le premier écrit: «Une oeuvre très belle vient de se produire»; le second s'exclame: «Il vient d'arriver à M. Albert Carré, directeur de l'Opéra-Comique, une bien singulière aventure; il a joué un chef-d'oeuvre.» Plus réservé, Gabriel Fauré n'en félicite pas moins Carré dans un courrier qui trahit aussi l'attirance singulière qu'exerce un ouvrage doté de pouvoirs ensorcelants:
LA MAGIE DE PELLEAS ET MELISANDE Dans bien des cas, la découverte de l'ouvrage opère une étrange fascination comme le souligne Inghelbrecht:
Il suscite a fortiori «un processus de remise en question radicale» chez Erik Satie, qui, dans son style littéraire inimitable, écrit à son frère:
Pour d'autres, cette révélation peut tourner à un envoûtement stérilisant: «En Art, une seule chose est nécessaire, trouver [...], écrit Déodat de Séverac quelques mois après la création. Or, est-il possible de trouver encore après Pelléas? Si l'on doit simplement refléter, c'est triste et surtout inutile, temps perdu pour soi-même et pour les autres.» Grâce au soutien de Debussy, Séverac trouvera toutefois l'énergie pour composer Le Coeur du Moulin (1909), opéra qui se souvient en maints endroits de son aîné...
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(page mise à jour le 30 juillet 2008)