No. 56/3    septembre 2003

 

Le quart de siècle de la

Fondation Pierre Gianadda

par Vincent Arlettaz

 

«Le meilleur article écrit sur la Fondation».
Léonard Gianadda

 

Dans le monde des arts, le nom de Martigny est aujourd'hui indissolublement lié à celui de Léonard Gianadda, mécène et véritable âme de la Fondation qu'il a dédiée au souvenir de son frère Pierre, décédé tragiquement en 1976. Si ce sont essentiellement ses prestigieuses expositions temporaires de peinture qui ont porté par le vaste monde le nom de la Fondation Gianadda, les concerts qui s'y donnent ne sont pas en reste. Sa saison musicale revendique en effet aujourd'hui une place de choix dans le paysage culturel romand.

 

La Fondation Pierre Gianadda, c'est entre autres l'histoire d'une belle revanche sur le sort. Venu de son Piémont natal à l'âge de treize ans, en 1886, le grand-père de Léonard n'a pour lui que sa force de travail... et pas un sou en poche! Comme de très nombreux de ses compatriotes, il vient chercher fortune dans une Suisse où se sont ouverts les premiers grands chantiers alpins: les tunnels du Saint-Gothard (inauguré en 1882) et du Simplon (1906), ou encore les magnifiques viaducs du Lötschberg (1913), qui doivent beaucoup au génie bâtisseur des ouvriers de la Péninsule -- en attendant les grands ouvrages hydroélectriques.

Il y a quelques décennies à peine, la construction en Valais était encore peu ou prou l'apanage des muratori, qui maniaient briques et mortier en sifflant des airs d'opéras, sous les regards parfois suspicieux des populations autochtones, à qui cette joie de vivre et cet amour de la mélodie étaient encore peu connus. Dans la région de Martigny, l'entreprise familiale Gianadda connaît une fortune prospère. Ayant compris l'importance d'une formation professionnelle solide, le fondateur de la dynastie avait offert à son fils (le père de Léonard) des études au Technicum de Fribourg. Léonard, à son tour, suivra ses classes au Collège de St-Maurice; sous l'influence de maîtres qui ont pour noms Paul Saudan, Norbert Viatte ou Louis Broquet, il y recevra les premiers ferments de son amour pour l'art et la culture.

Dans les années qui suivent, le jeune Léonard multiplie les expériences: il fait ses armes dans l'organisation d'expositions en fondant avec quelques amis «La petite galerie» à Martigny; les peintres valaisans Menge et Chavaz font partie des artistes exposés. Il découvre aussi Rome, Florence et Naples, où il assiste pour la première fois à des représentations d'opéra. Puis il voyage aux Etats-Unis, à Cuba. A son retour, on lui propose de raconter ses souvenirs, il devient donc journaliste, et plus tard chroniqueur musical. Lorsqu'il s'agit toutefois de choisir une profession, c'est dans la ligne de la tradition familiale qu'il embrasse la carrière d'ingénieur, se consacrant pendant une quinzaine d'années principalement à la promotion immobilière.

Promoteur repenti

Evoquant aujourd'hui cette période, Léonard Gianadda dit regretter la perte d'un temps qu'il aurait mieux employé à lire ou à voir des spectacles. Mais la situation qu'il se crée alors ne sera pas un atout négligeable pour le développement ultérieur de ses activités de mécène; et en 1976, lorsqu'il prend la décision de créer sa Fondation, il sera en mesure de lui offrir le bâtiment dont elle a besoin -- un outil de travail qu'il a donc d'une certaine manière construit de ses propres mains.

L'histoire est connue: entre 1972 et 1976, Léonard Gianadda perd coup sur coup ses parents, puis son frère Pierre, dans des circonstances tragiques. A la même époque, un terrain sur lequel il projette de bâtir un nouvel immeuble se révèle contenir les vestiges d'un temple gallo-romain unique en son genre en Suisse. C'est autour de ces quatre pans de murs que va s'organiser la Fondation Pierre Gianadda.

Commencées vers la fin du XIXe siècle, les fouilles archéologiques connaissent à Martigny leur apogée dans les années 1970, au gré de l'avancement du bâti dans des zones périphériques de l'agglomération, au pied du Mont Chemin -- l'emplacement même de l'ancien Forum Claudii Vallensium. Or, il n'existait pas à Martigny de musée pour recevoir ces vestiges. La Fondation répond à ce besoin; mais dès l'origine, les projets de Léonard Gianadda vont bien plus loin: avant l'achèvement des travaux, il est déjà prévu d'y donner un concert d'inauguration. Une première exposition, «Cinq siècles de peinture», est organisée, mais laisse le public et la critique sceptiques. C'est là que le véritable génie de Léonard Gianadda va commencer à s'affirmer: avec persévérance, avec ténacité même, il fait le siège des collectionneurs et des musées, parvenant peu à peu à convaincre de prestigieux commissaires d'organiser des expositions de niveau international, dans une ville jusqu'alors à peu près inconnue du monde de l'art. En 1980, une rétrospective Paul Klee enregistre un premier grand succès. Les autres vont suivre, à un rythme de plus en plus soutenu. Aujourd'hui, plus de six millions de visiteurs sont passés par la rue du Forum, ce qui représente une moyenne de 650 personnes par jour, tous les jours depuis 25 ans! ...

 

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