No. 58/3    septembre 2005

 

L'Ouverture de la Grande Pâque Russe

de Nicolaï Rimsky-Korsakov

par Isabelle Werck

 

En Russie, Pâques est une fête bien plus importante que chez nous, qui privilégions plutôt la Noël. Sur le plan religieux, les Russes n'ont peut-être pas tort de célébrer la Résurrection avec plus de faste que la simple Nativité; d'autre part, contrairement à nos latitudes qui considèrent trois flocons de neige comme un événement, la Russie subit un hiver si glacé et si long que le printemps là-bas est particulièrement libérateur. Nicolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908) est un des plus éminents membres du «Groupe des Cinq». C'est du moins sous ce nom que la postérité a retenu cette école russe de la fin du XIXe siècle; une ambition les unit, celle de créer une musique originale et nationale, face au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, très germanisé; plus ou moins autodidactes, ils se forgent un langage non-conventionnel. Rimsky-Korsakov (Korsinka pour ses intimes) est le plus jeune du groupe, le plus savant aussi, puisqu'il s'impose sur le tard des études musicales extrêmement approfondies. Rappelons en un mot la silhouette des quatre autres: Balakirev, le fondateur du groupe, peu productif; César Cui, français d'origine, complètement oublié; mais Borodine et Moussorgski laissent comme Rimsky-Korsakov une trace nettement plus importante.

Rimsky possède une veine optimiste et fraîche, souvent issue des contes et légendes, qu'il sertit de couleurs orchestrales éblouissantes. Ses compagnons lui reprochent parfois son pédantisme, ce que La grande Pâque russe ne confirme guère. C'est en 1887-88 qu'il écrit ses pages symphoniques les plus célèbres, voire les plus rebattues: Shéhérazade, le Capriccio Espagnol, et l'Ouverture de la Grande Pâque russe, un peu moins fréquentée, qui occupera cette analyse, et qui a été composée entre juillet et août 1888.

Cette ouverture de concert mêle des chants religieux orthodoxes, tirés de l'Obikhod (recueil populaire de cantiques) à un débordement dionysiaque: c'est un des morceaux les plus toniques du répertoire symphonique, aussi audacieux que typé. Le Groupe des Cinq se distingue par ses saveurs mélodiques et harmoniques épicées, souvent plus orientales que simplement russes; mais ici la couleur locale est très teintée de vieille Russie, ainsi que de sons de cloches en tous genres; c'est un univers doré de coupoles à bulbes, mais entouré d'un peuple récemment christianisé et dont les réflexes de réjouissance sont encore bien païens. L'ambiance psychologique, tantôt agressive, tantôt jubilatoire, joue sur de vifs contrastes: c'est là tout l'affrontement entre l'hiver et le printemps. La forme est celle d'une introduction lente suivie d'une forme sonate. Il existe d'importantes concordances entre les thèmes de l'introduction et ceux de l'allegro...

 

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