No. 60/4    décembre 2007

 

C L A V E S

Les destinées d'un label helvétique

rmsr

Maître Olivier Verrey. © alpha design

 

Fondé en 1968 à Thoune par Marguerite Dütschler, élève du claveciniste Jörg Ewald Dähler, Claves appartient aux plus prestigieuses maisons de disques. En 2003, le label était restructuré, ses activités se rapprochant progressivement des rives du Léman, plus exactement de Pully où nous avons rencontré son président, Olivier Verrey, et son directeur, Antonin Scherrer, ancien collaborateur de notre revue.

Propos recueillis par Vincent Arlettaz.

RMSR. Maître Verrey, à qui appartient aujourd'hui Claves?
Olivier Verrey. Claves Records AG, dont le siège est encore à Thoune mais va être transféré prochainement à Pully où se trouvent déjà ses bureaux, a été rachetée en 2003 à sa fondatrice Marguerite Dütschler par la Fondation Clara Haskil, organisatrice tous les deux ans du Concours international de piano éponyme. Nombre de lauréats du Concours ont d'ailleurs enregistré pour le label.

En quoi la situation a-t-elle changé, depuis l'apparition du label, il y a bientôt 40 ans?
OV. Lorsque Claves a été fondée, en 1968, il n'existait pas de label suisse, alors que de nombreux artistes de notre pays désiraient enregistrer. Marguerite Dütschler a d'emblée placé la barre haut, notamment pour ce qui concerne la qualité technique des enregistrements. Il ne faut pas oublier qu'à cette époque, le nombre de disques nouveaux publiés chaque mois se montait peut-être à 25 ou 30, tous pays confondus, alors qu'aujourd'hui, ce chiffre est supérieur à 600! On parle sans cesse de crise du disque, mais chaque mois, 600 enregistrements nouveaux ou autres «repiquages» sont mis sur le marché! Eh bien, quarante ans après, Claves est toujours là. Marguerite Dütschler, pour diverses raisons, a eu de la peine à maintenir l'équilibre financier et n'a pu le faire à certaines époques (ou après la publication de disques ayant moins bien marché) qu'en réinjectant de l'argent dans la société. Et il est arrivé un moment où cela n'a plus été possible. Au début des années 2000, elle avait refusé une offre de rachat pour plusieurs millions de francs, convaincue que son catalogue d'alors, de plus de 400 titres, dont les droits appartiennent intégralement à Claves, valait davantage. La Fondation Clara Haskil a finalement racheté le tout pour une somme bien inférieure. Aujourd'hui nous continuons peu ou prou à vivre comme l'a longtemps fait Marguerite Dütschler: il faut toujours et encore un peu de mécénat, autour des artistes ou de Claves, pour maintenir le navire à flot. Et s'il arrive que nous perdions tout de même sur les nouvelles productions, l'ancien catalogue conserve un bon rendement.

Le disque classique ne se vend-il donc plus?
Antonin Scherrer. Il y a actuellement une sorte de mythe, notamment au niveau des pourvoyeurs de subventions: sous l'influence du cas de la pop music sans doute, on a tendance à croire que les labels font d'énormes bénéfices sur le dos des artistes. Mais je le répète à qui veut l'entendre: nos comptes sont ouverts! Les institutions, à part les fondations privées peut-être, refusent de financer un disque sous prétexte qu'il s'agit d'une activité commerciale; or, s'il est clair que nous devons vendre nos produits pour pouvoir vivre, il n'en reste pas moins qu'une maison comme Claves ne représente pas l'industrie, mais l'artisanat du disque -- même si, au cours de son histoire, Claves a vendu aux alentours de trois millions et demi de disques. Marguerite Dütschler a vécu à l'époque où chaque enregistrement se vendait au minimum à 3 ou 4'000 exemplaires; le concerto pour clarinette de Mozart par Thomas Friedli a même atteint le chiffre record de 80'000 copies! En ce temps-là, la question que l'on posait aux artistes n'était pas: «Avez-vous 20'000 francs à mettre sur la table?», mais bien: «Acceptez-vous un cachet de 3'000 ou 5'000 francs?»; tout était alors payé par le label...

 

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