Les «Misérables» à Lausanne
Par Claudio Poloni
Figurant au nombre des projets phares de l'année 2009 pour la Haute Ecole de Musique vaudoise, la première production d'une comédie musicale en terre romande aura connu un sort malheureux, mais non dépourvu de panache. La HEM lausannoise n'était certes qu'un parmi plusieurs partenaires de cette grande aventure, dont la responsabilité ultime reposait sur des forces privées. Le Conservatoire y aura néanmoins été fortement impliqué, par la présence de son futur directeur, le chef Hervé Klopfenstein, et de son orchestre, formé d'étudiants des classes professionnelles de Lausanne, Sion et Fribourg. (réd.)
Seize représentations au Théâtre de Beaulieu à Lausanne, plus de cent participants (chanteurs, musiciens et techniciens), un budget de 3 millions de francs et 20'000 spectateurs attendus: la barre était placée très haut pour Les Misérables, qui sont entrés dans l'histoire comme la toute première comédie musicale jamais réalisée en Suisse romande au niveau professionnel -- et aussi comme le plus monumental fiasco de ces dernières années; ce qui était prévisible (espérer 20'000 personnes, même à l'échelle de toute la Suisse romande, était terriblement ambitieux, voire naïf), mais n'en reste pas moins désolant, compte tenu de l'immense succès public -- chaque soir les représentations se sont terminées par une «standing ovation» -- et des critiques enthousiastes parues dans la presse. Mission impossible? Quoi qu'il en soit, les chiffres ne pardonnent pas: au final, les organisateurs, se déclarant «très déçus», ont vendu «nettement moins de billets» (sans toutefois en préciser le nombre) que nécessaire pour rentabiliser l'opération. Le prix (de 59 à 139 francs la place) a pu jouer un rôle dissuasif, surtout en cette période de crise économique.
Le public romand
Les responsables de l'opération font cependant valoir qu'il aurait été difficile de réduire les prix en ne touchant pas à la qualité, étant donné que le spectacle ne bénéficiait ni de subventions publiques ni de contributions de sponsors. La taxe de 14% prélevée par la ville de Lausanne est aussi mise en cause. Par ailleurs, pour le metteur en scène Gérard Demierre, le public s'est méfié d'une production made in Suisse romande: «certaines personnes pensent qu'une comédie musicale de bonne qualité ne peut se faire qu'à Londres ou à Paris» a-t-il ainsi déclaré à notre confrère 24 Heures. Hervé Klopfenstein, qui officiait dans la fosse de Beaulieu, avance quant à lui une autre explication: pour le chef d'orchestre et futur directeur du Conservatoire de Lausanne (voir l'interview ci-après), le public romand est très cloisonné et n'a pas encore l'habitude de la comédie musicale, contrairement à ce qu'on observe de l'autre côté de la Sarine, où le genre est régulièrement à l'affiche...
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