No. 67/2    juin 2014

 

Editorial

Une affaire de théorie

Vincent Arlettaz

Les musicologues ont toujours plus ou moins redouté le passage de la théorie à la pratique. Pour certaines écoles -- notamment germaniques -- il a même été considéré parfois comme un handicap pour un universitaire d'être également un musicien: l'un et l'autre, paraît-il, auraient tendance à se parasiter; le fait d'être impliqué dans les problèmes quotidiens de l'artiste serait de nature à empêcher d'exercer librement l'intelligence critique et l'impartialité qui sont requises du scientifique -- sans doute ne suis-je pas très clair en cet instant; mais on ne peut humainement pas me demander d'expliquer de manière précise une façon de penser que je n'ai jamais vraiment pu comprendre.

Je me souviens du moins clairement avoir entendu un jour un savant professeur d'université -- je tairai son nom -- proclamer avec beaucoup de fierté: «La plupart des musicologues ne savent pas comment aborder le problème des relations entre la théorie et la pratique de leur art. Moi, j'ai totalement résolu la difficulté». A ma question: «Comment?», l'érudit répondit tout d'un trait: «Pour moi, c'est très simple, il n'y a aucune espèce de rapport entre les deux». Puis, rapidement, son visage changea d'expression, il me sembla même regretter quelque peu sa propre audace; j'avais l'impression d'avoir devant moi Alexandre le Grand, tout penaud devant le noeud gordien qu'il venait de déchiqueter

Moi, je trouvais sa phrase... non pas scandaleuse, mais infiniment triste.

La tristesse n'était pas particulièrement le point fort de Serge Gut (1927-2014), qui fut depuis 2006 le membre représentant la musicologie au sein de notre comité d'honneur. Toute son oeuvre montre l'immense intérêt que prennent les recherches musicologiques, lorsqu'on les conçoit comme un échange constant entre théorie et pratique -- l'une éclairant l'autre, l'autre lui donnant chair et vie --; une interaction entre un langage et un individu -- l'un offrant à l'autre le moyen de parler, l'autre lui apportant en retour un contenu: des émotions, tirées non pas de notions abstraites, mais du vécu d'un être qui a aimé, souffert, cru et espéré; parmi nous, avec nous. Sans cette émotion, sans cette expérience personnelle et même intime, que pourrait être toute la technique musicale -- sinon une coquille vide?

Vincent Arlettaz

 

Pour lire la suite...

RMSR juin 2014

Vous pouvez commander ce numéro 67/2 (juin 2014, 64 pages, en couleurs) pour 13 francs suisses + frais de port (pour la Suisse: 2.50 CHF; pour l'Europe: 5 CHF; autres pays: 7 CHF), en nous envoyant vos coordonnées postales à l'adresse suivante (n'oubliez pas de préciser le numéro qui fait l'objet de votre commande):

 

info@rmsr.ch

(Pour plus d'informations, voir notre page «archives».)

 

Retour au sommaire du No. 67/2 (juin 2014)

 

© Revue Musicale de Suisse Romande
Reproduction interdite

 

Vous êtes sur le site de la  REVUE  MUSICALE  DE  SUISSE  ROMANDE

[ Visite guidée ]   [ Menu principal ]

(page mise à jour le 21 juin 2014)