No. 67/3    septembre 2014

 

Hommage à Pierre Chatton

A l'occasion de ses 90 ans

par Danielle Allet-Zwissig

 

Il est des vies qui s'épanouissent à l'image de beaux arbres. C'est comme s'il leur suffisait de se nourrir d'amour et de fidélité, sans solution de continuité, dans le même terreau. Ainsi en est-il de la vie du compositeur Pierre Chatton, qui fête ses 90 ans, étant né le 12 septembre 1924.

Il y a d'abord les racines: celles du pays de Fribourg, et des traditions familiales d'engagement dans la société civile ou religieuse; celles de l'humanisme d'un père fréquentant à Morges Stravinsky et Soutter et nombre d'artistes, alors que sa mère accueillait à la table de famille de nombreuses personnalités dont Aloys Fornerod et Jean-Claude Diserens et surtout l'abbé Zundel et Mgr Ramuz. Art. Beauté. Foi. Nourriture de l'esprit, du coeur et de l'âme.

Suit l'élancement d'un tronc, colonne vertébrale d'une possible élévation. Révélation. A Saint-Maurice, s'offrent à l'étudiant humanités gréco-latines, histoire, littérature française... rigueur sans faille, respect du mot juste, de la forme, de la structure, de l'expression, du style, tous instruments en attente d'une écriture à venir. Par une pratique précédant l'étude théorique s'ouvre aussi la sensibilité à l'émotion musicale: chant grégorien, polyphonie vocale, musique instrumentale, avec, dans l'orchestre du collège, le chant du violoncelle, cet instrument si proche de la voix humaine et qui demande, étant socle et base de l'édifice sonore, une écoute peut-être plus particulièrement attentive à l'autre. Insertion dans une communauté humaine...

Dans cet apprentissage musical, la précocité du ressenti émotionnel a-t-elle eu une incidence sur la prépondérance, dans l'oeuvre de Pierre Chatton, de l'émotion sur les effets et recherches sonores ou «techniques», abstractions parfois individualistes et hermétiques? Il est de fait que notre compositeur a dit avoir fait sienne la devise de Couperin: «J'avouerai de bonne foi que je préfère ce qui me touche à ce qui me surprend.» Ce que l'on peut en tout cas constater, c'est que le jeune Pierre a vécu sa jeunesse dans un monde cohérent où les notes répondaient aux mots, où la philosophie conversait avec la foi, où l'art était tout simplement beauté et où le passé s'avérait si riche et si proche qu'il n'était que d'en ouvrir les portes...

 

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