No. 69/3    septembre 2016

 

Le phénomène HJ Lim

Par Vincent Arlettaz

 

Existe-t-il beaucoup de pianistes qui, à l'âge de 25 ans, ont gravé l'intégrale des sonates de Beethoven pour un grand label? Et qui publient à 30 ans leur autobiographie? ‘HJ Lim' (de son nom complet Heion Jeong Lim) est née en Corée du Sud, a été formée en France, et vit aujourd'hui à Neuchâtel, ville pour laquelle elle dit avoir eu, il y a sept ans, un «coup de foudre».
 

C'est, paraît-il, l'événement éditorial de ce printemps: l'autobiographie que HJ Lim vient de publier aux éditions Albin Michel, «Le son du silence», s'est maintenue pendant des semaines au sommet des ventes francophones sur le site d'Amazon; articles dans la presse spécialisée, mais aussi dans des magazines à grand tirage, invitations à la radio ou à la télévision révèlent soudainement à de vastes audiences l'existence de cette artiste, frêle jeune fille habitée d'une énergie débordante. Mais qui est Mlle Lim? Sur les pochettes de ses disques, sur son site internet, la première image que l'on rencontre est celle d'une femme plutôt sophistiquée... Au naturel, HJ Lim n'a pas grand-chose à voir avec un tel positionnement «marketing»: une voix mûre, parcourue de fréquents éclats de rire, deux yeux à la flamme vive, qui scrutent en permanence tout ce qui l'entoure, son être semble placé sous le signe de la curiosité, et nullement du narcissisme. Sa conversation ne pourra que confirmer cette première impression: lorsqu'elle vous parle par exemple des lettres de Beethoven -- qu'elles a toutes lues «pour comprendre sa personne, et m'approcher de sa musique»; ou lorsqu'elle évoque son dévouement pour le révérend Seongdam Sunim, moine coréen avec lequel elle partage l'affiche de concerts-méditations, mêlant chants bouddhistes et oeuvres du grand répertoire pianistique: «Il m'a appris que nous sommes tous interdépendants: je n'existe que grâce aux innombrables personnes qui m'entourent. Dans un concert, les organisateurs, l'accordeur, les techniciens, le public, tous ont travaillé pour moi -- sans parler du compositeur naturellement; la part personnelle que j'apporte n'est peut-être que de cinq pour cent?» La manière dont elle parle d'humilité paraît sincère, mais ne saurait masquer la somme colossale de travail que suppose l'assimilation d'un vaste répertoire. HJ Lim rend ici hommage à son maître, le pianiste et compositeur d'origine russe Alexandre Rabinovitch-Barakovsky, établi à La Chaux-de-Fonds. Rencontré par hasard il y a neuf ans sur le quai du métro de Bruxelles, ce dernier acquiert rapidement la fonction de mentor, stimulant par son exigence, mais aussi réconfortant par sa profonde confiance: «Il est invraisemblable: il connaît tout, c'est une véritable encyclopédie vivante! C'est lui qui m'a orientée vers les interprétations historiques, d'Harnoncourt, de Gardiner; qui m'a mise en garde contre les pièges de la routine; qui m'a fait comprendre que mon devoir d'interprète était de connaître le répertoire, et non pas de jouer encore et toujours les trois mêmes concertos, les cinq mêmes sonates... Lorsque je lui ai parlé de mon projet de travailler l'intégrale Beethoven, lui seul ne m'a pas dit que j'étais folle... Non, il trouvait cela normal!» L'influence de ce musicien, qu'elle appelle, non sans une certaine ingénuité, «maestro céleste», la pousse même à renoncer à la confortable bourse «Reine Elisabeth» dont elle bénéficie à l'époque, pour se jeter à nouveau dans le risque, comme au temps de son émigration en Europe, à l'âge de douze ans...

 

Le rêve coréen

Les chapitres les plus intéressants du livre de HJ Lim, pour un public européen, sont probablement les premiers, qui évoquent l'enfance en Corée. Nous avons tous été frappés par le nombre de jeunes artistes asiatiques qui, depuis quelques décennies maintenant, décident de consacrer leur vie à une musique, à une culture qui n'est, a priori, pas la leur. Ce phénomène d'assimilation (on cherche le mot juste; peut-être s'agit-il d'une greffe?) est, assurément, du plus haut intérêt d'un point de vue historique, social et même philosophique: comment quelques notes, posées sur le papier par un musicien d'église luthérien il y a trois siècles, peuvent-elles parler aux descendants d'une grande culture bouddhiste? La question de l'universalité de l'art est posée, mais étrangement, la chose ne semble pas particulièrement préoccuper HJ Lim, qui parle de Beethoven, de Mozart et de Rachmaninov comme s'ils étaient de sa famille...

 

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(page mise à jour le 10 octobre 2016)