Les Riches Heures de Valère
par Vincent Arlettaz
Valère et Tourbillon. © alpha design
On ne pourrait être plus profondément niché au coeur des Alpes: entouré de tous côtés par les plus hautes montagnes d'Europe, le Valais dessine un long sillon étroit, sorte de cicatrice profonde creusée ici par l'ancien glacier du Rhône, à l'époque où ce dernier étendait ses rameaux jusqu'à Lyon. En plein centre de cette vallée taillée dans le roc se trouve la ville historique de Sion, dominée par la silhouette de ses deux châteaux: celui de Tourbillon, ruiné par un incendie en 1788, et celui de Valère -- extrêmement bien conservé au contraire, puisqu'il possède non seulement de remarquables fresques et sculptures médiévales, mais également le plus ancien orgue jouable au monde, datant de 1430!
Nous avions consacré il y a une douzaine d'années, en septembre 2004, un dossier à cet instrument tout à fait exceptionnel, à l'occasion de sa rénovation complète -- opération qui avait permis de dissiper nombre de doutes, et de souligner l'importante proportion de matériel ancien qui y était conservé: à savoir plusieurs jeux gothiques en métal, et un précieux jeu de bourdons en quatre pieds, construit dans du bois d'arbres abattus au XIVe siècle! Remanié à la fin du XVIIe siècle par un facteur soleurois, Christopher Aebi, augmenté par la suite de basses et d'un pédalier, l'instrument n'en représente pas moins un patrimoine inestimable: il nous permet de découvrir un large pan de l'identité sonore d'un orgue de la fin du Moyen Age -- période dont il ne subsiste virtuellement aucun instrument de musique authentique, pas même une simple flûte!
Longtemps résidence des chanoines de la Cathédrale, le site de Valère fut progressivement délaissé aux XVIIIe et XIXe siècle; c'est la raison pour laquelle l'instrument ne fut plus mis à jour, et parvint jusqu'à notre époque dans cet état de conservation qu'on peut qualifier de miraculeux. Vers la fin du XIXe siècle commence l'ère des rénovations: propriété (et ce, jusqu'à nos jours) du Chapitre de la Cathédrale, Valère sera dès lors pris en charge financièrement par le Canton et la Confédération; les Musées cantonaux vont utiliser une partie de l'espace, tandis que l'église continuera dans sa mission sacrée, notamment liée aux pèlerinages.
L'orgue gothique
Quant à la résurrection de l'orgue, elle est avant tout l'oeuvre d'un remarquable pionnier: né à Valère dans la famille chargée de la garde des lieux depuis 1871, Maurice Wenger est nommé sacristain en 1948. Interpelé par le silence de l'instrument, il parviendra, à force d'obstination, à le refaire chanter: en 1954, une remise en état de jouer est réalisée par la manufacture alémanique Kuhn, tandis que les panneaux peints du buffet sont restaurés au Kunstmuseum de Bâle où ils sont acheminés... en wagon fourgon! Muet depuis des décennies, l'orgue attire désormais le public: des concerts un peu informels sont d'abord organisés, puis, devant le succès remporté, le Festival de l'Orgue Ancien est créé, en 1969...
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