No. 70/2    juin 2017

 

Une passion après Auschwitz

Par Vincent Arlettaz

Beauchesne

 

La formule a probablement été inspirée par le philosophe allemand Theodor Adorno, dont on rappellera le fameux aphorisme: «Après Auschwitz, écrire un poème est barbare». A défaut de rouvrir ici le débat -- fait et refait tant de fois -- sur le Beau et le Vrai, nous proposons à nos lecteurs une brève immersion dans l'univers de Michaël Levinas, vu par l'oeil d'un de ses interprètes.
 

La Passion selon Marc de Michaël Levinas fait appel à un choeur de 36 voix -- dont 24 voix d'hommes. En une période (la Semaine Sainte) traditionnellement très chargée dans l'agenda musical régional, l'Ensemble Vocal de Lausanne, à qui était confiée la création, a dû faire appel à un large réservoir de chanteurs aguerris, capables de se confronter à une écriture particulièrement complexe. L'occasion unique d'une rencontre avec le compositeur, figure majeure de la scène contemporaine européenne.

Indéniablement, l'Association «Musique pour un temps présent», animée par le théologien Jean-Marc Tétaz, a vu les choses en grand; et son pari pourrait bien être une réussite: destinée à commémorer le 500e anniversaire de la Réforme (c'est en octobre 1517 que Martin Luther placarda sur la porte de son église de Wittenberg ses fameuses «thèses»), la création de la Passion selon Marc a suscité en effet un très large intérêt. Une fois n'est pas coutume, concernant une création contemporaine, radios et télévisions étaient de la partie -- notamment France Musique, qui a accordé une large plage horaire au compositeur dans les jours précédents, ainsi qu'Arte, et la deuxième chaîne télévisée romande. Le tout était même accompagné de la parution d'un ouvrage substantiel chez l'éditeur parisien Beauchesne*. A parcourir le volume toutefois, on mesure -- avec un brin de désappointement -- la distance qui sépare aujourd'hui le simple musicien des théologiens et autres historiens de la religion; et on avoue se perdre très rapidement dans le dédale des considérations «christologiques» et «narratologiques» qui remplissent l'essentiel du livre. L'interview du compositeur par son épouse, la philosophe et musicologue Danielle Cohen-Levinas, professeure à la Sorbonne (p. 243-254), amène certainement plus de concret, mais peut décevoir par une approche d'une solennité sans doute exagérée: qu'on réfléchisse -- par exemple -- qu'on y parle d'une «oeuvre emblématique à tous égards» (p. 252), alors que le livre est paru avant même qu'une seule note de la Passion selon Marc ait été entendue! Sans doute la Saint-Matthieu du père Bach n'a-t-elle, en son temps, pas été reçue avec autant d'égards... De même une phrase telle que «ce trait d'union qui relie le monde judéo-chrétien ne saurait faire oublier deux millénaires de persécutions qui ont conduit à la Shoah» (p. 243, dans la bouche de Michaël Levinas) peut-elle heurter, dans la mesure où, selon la manière dont on choisit de la lire, elle pourrait tendre à suggérer une filiation, un «héritage», dans cet épouvantable drame...

 

* Jean-Marc Tétaz et Pierre Gisel (édd.): Une Passion après Auschwitz? Autour de la Passion selon Marc de Michaël Levinas, Paris, Beauchesne, 2017, 265 p.

 

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RMSR juin 2017

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