No. 70/3    septembre 2017

 

Editorial

Par Vincent Arlettaz

Vincent Arlettaz

 

Montfort l'Amaury est une petite bourgade absolument tranquille, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Versailles, et en bordure de la vaste forêt de Rambouillet. C'est ici que Maurice Ravel, désireux de se protéger de l'agitation parisienne, acheta en 1921, grâce à l'héritage de son oncle Edouard -- peintre de l'école de Savièse, longtemps professeur aux Beaux-Arts de Genève --, une petite maison, où il devait vivre les quinze dernières années de sa vie; il y composa une partie de ses oeuvres les plus fameuses, parmi lesquelles le Boléro et les deux concertos pour piano. Loin du fourmillement d'un Giverny, encombré de hordes peu respectueuses, la maison-musée Ravel accueille d'assez rares visiteurs, exclusivement sur rendez-vous. Pas de navette pour relier la gare, distante de plusieurs kilomètres, pas de parking pour autobus... Rien ne semble être fait pour tirer parti du «potentiel» de ce lieu, si émouvant pour les mélomanes. Certains s'en lamentent, crient au scandale. Ils ont tort: où peut-on encore, en nos temps de mercantilisme forcené et de tourisme sans âme, visiter le domicile d'un grand artiste du passé, tel qu'il se présentait de son vivant? Sur le bureau, sur les étagères, les bibelots, les gadgets collectionnés avec passion par l'auteur de Daphnis vous considèrent avec curiosité, semblent même rappeler à tout instant la personnalité étrange de cet amoureux de l'enfance. Les chanceux (j'en ai été!) pourront toucher son piano Erard au son clair. De la loggia, le jardin japonais à vos pieds, vous regarderez le clocher de l'église médiévale et les arbres qui ferment le vallon; comme l'artiste lui-même aimait à le faire.

La succession de Maurice Ravel, de l'aveu général, est une épouvantable catastrophe: de son frère Edouard, les droits d'auteur passent à sa gouvernante Jeanne Taverne, en un scénario digne d'un roman de Balzac. Attiré par le doux son des écus, un directeur de la Sacem (société de droits d'auteur) change de camp et devient conseiller des époux Taverne, tirant parti de clauses juridiques retorses; de multiples sociétés écran sont créées dans des paradis fiscaux... Tous ces millions, comme le dit justement Laurent Petitgirard, auraient pu être utilisés pour créer un prix de musique. Mais ne pleurons pas pour les éditeurs, ni pour les orchestres, qui ont fait leurs belles heures avec Ravel. Au fur et à mesure de l'entrée des oeuvres dans le domaine public, le problème s'éteint peu à peu. Plus triste, les manuscrits sont aujourd'hui dispersés -- et il faudra beaucoup de temps et d'efforts pour les rassembler. Reste la maison de Montfort, exemple unique de nid artistique; peu importe qu'elle génère, elle, peu de profit; peu importe qu'elle soit ignorée de ceux qui n'ont pas la patience de venir à elle. Elle renferme encore, quatre-vingts ans après sa mort, un peu de l'âme du musicien; il serait fou d'y toucher.

Vincent Arlettaz

 

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Revue Musicale de Suisse Romande / Maurice Ravel

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(page mise à jour le 19 octobre 2017)