Editorial
En toutes lettres
Par Vincent Arlettaz
Nos voisins français -- seuls, je crois, entre tous les pays européens -- pratiquent toujours assidûment le système du chèque, à peu près obsolète partout ailleurs. Lointain héritier de la lettre de change médiévale, ce dernier comporte encore, même de nos jours, au moins un avantage: écrit en toutes lettres, un chiffre est certes moins lisible, mais aussi plus solide, plus tangible. Moins de 3'300 francs -- en toutes lettres: moins de trois mille trois cents -- c'est paraît-il le salaire de 60% des «actrices et acteurs culturels» en Suisse*. Cette somme représente tout juste la moitié du salaire médian; autant dire que, compte tenu du coût de la vie qui est le nôtre, il permet à peine de se maintenir, dans la plupart des cas.
Au sortir des années «covid», qui ont amplement démontré la fragilité du tissu culturel dans notre pays pourtant opulent, le débat est certainement de saison. Pendant la crise, nombre d'artistes n'ont eu d'autre choix que de réorienter leur carrière: je connais personnellement le cas de deux chanteurs lyriques devenus pilotes de locomotive; et même notre télévision nationale -- selon les dires d'un cadre dirigeant -- ne trouve plus les techniciens dont elle a besoin. Une mise à plat générale semble désormais inévitable, tant il est vrai que la culture n'a plus à démontrer son importance: dans le canton de Genève, elle correspondrait à 9,5% -- neuf virgule cinq pour cent -- du produit intérieur brut total -- soit plus de quatre fois plus que l'hôtellerie; et en nombre d'emplois, une fois et demie plus que le secteur de la construction*. Ces chiffres ont de quoi nous donner confiance.
Vincent Arlettaz
* Voir la chronique d'Estelle Revaz «Un filet social pour les artistes»,
dans
le quotidien
Le Temps du 29 juin 2023 (www.letemps.ch).
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