Les trente ans du
Festival de Verbier
Par Claudio Poloni
Agée de 25 ans, la soprano irlandaise Ava Dodd est la lauréate 2023 du Prix Yves Paternot, récompensant le musicien le plus prometteur de l’Académie du Festival de Verbier. © Olivia da Costa
Créé en 1994, le Festival de Verbier fête cette année sa trentième édition, et annonce la nomination de Blythe Teh Engstroem au poste de codirectrice artistique, aux côtés de son mari Martin Engstroem, fondateur de la manifestation.
Trentième anniversaire oblige, l'édition 2023 du Festival de Verbier est à marquer d'une pierre blanche. Côté chiffres tout d'abord, le résultat est impressionnant: un budget record de douze millions de francs, plus de 34'000 billets vendus (environ 20% de plus par rapport à l'été dernier), un taux de remplissage de 79% à la Salle des Combins, la scène principale de la manifestation, et plus de 7'000 spectateurs assistant aux événements gratuits. Sur le plan artistique ensuite, cette édition anniversaire a connu plusieurs moments forts; il convient sans doute de citer en premier lieu le grand concert de gala, qui a réuni quelque cinquante solistes et une quarantaine d'instrumentistes, pour près de quatre heures de musique. Les festivités ont commencé avec les Dix Préludes op. 23 de Rachmaninov interprétés par... dix pianistes différents, et non des moindres: Evgeny Kissin, Daniil Trifonov, Mikhaïl Pletnev, Alexandre Kantorow, Yuja Wang... excusez du peu! Voir ainsi défiler autant de virtuoses du clavier, chacun avec son style et son tempérament, était en soi une expérience inédite.
Martin Engstroem lui-même, fondateur et responsable du Festival, s'était chargé de répartir les pages entre les artistes, se fiant à sa seule intuition. La suite de la soirée a été à l'avenant, avec notamment une transcription des Variations Goldberg de Bach convoquant quelques-uns parmi les musiciens les plus connus de la planète classique, pour des rencontres inédites -- l'ADN de Verbier en quelque sorte. Sur l'ensemble de cette soirée anniversaire, ce qui frappe le plus est sans doute, pour chaque artiste présent, la joie d'être sur scène, et de s'exprimer avec ses partenaires. Quant au public, il s'est délecté de l'atmosphère conviviale d'un gala unique en son genre.
Wozzeck
Parmi les autres moments forts, on mentionnera la production de l'opéra Wozzeck d'Alban Berg -- un pari risqué, qui était loin d'être gagné d'avance, tant la partition est complexe. Les jeunes musiciens du monde entier composant le Verbier Festival Orchestra n'ont eu que trois jours de répétitions, mais ils se sont surpassés sous la direction précise et analytique de Lahav Shani. Pour Martin Engstroem, il s'agit d'un jalon dans l'histoire du Festival: «Il était important de programmer Wozzeck, je tenais à montrer que le Festival a pu grimper cette pente réputée impossible.» On signalera également la splendide exécution de la Symphonie alpestre de Richard Strauss par le Verbier Festival Orchestra, dirigé par une nouvelle star de la baguette, Klaus Mäkelä. La première partie de ce concert-phare a vu la réunion du pianiste Mikhaïl Pletnev, au jeu particulièrement sobre et intériorisé, et du solaire chef finlandais, qui se sont miraculeusement retrouvés sur la même longueur d'onde dans le Deuxième concerto de Rachmaninov...
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