No. 56/2    juin 2003

 

La Faust-Symphonie de Franz Liszt

d'après le manuscrit de Budapest (1854)

par Vincent Arlettaz

 

Dans deux articles précédents, je m'étais attaché à démontrer d'une part l'influence exercée par la Faust-Symphonie de Franz Liszt sur la Tétralogie de Richard Wagner, et d'autre part à relever l'évolution considérable qu'ont pu subir certaines partitions de Franz Liszt, entre leur première composition et leur état définitif, qui n'a généralement été atteint qu'au prix de remaniements parfois laborieux. Dans une troisième contribution sur ce même sujet, je voudrais encore montrer que la Faust-Symphonie fait exception à cette règle, et que les différences que l'on peut mettre en évidence, entre le manuscrit de la première rédaction, daté de 1854, et l'oeuvre telle que nous la connaissons aujourd'hui, ne sont pas considérables -- contrairement à l'opinion aujourd'hui la plus répandue, notamment suite aux travaux fondamentaux menés par Lázló Somfai dans les années 1960.

Aujourd'hui conservée à la Bibliothèque Nationale de Budapest, la version originale de la Faust-Symphonie a été composée entre août et octobre 1854. Révisé ensuite à plusieurs reprises, notamment en 1857, date à laquelle Liszt ajouta le choeur final sur les derniers vers du Faust II de Goethe, l'ouvrage ne fut publié qu'en 1861.

 

L'instrumentation

Sur la foi des études publiées par Somfai, il est dit et répété partout aujourd'hui que cette version de 1854 a été écrite pour un orchestre réduit, sans trompettes, trombones, timbales ni harpe. On trouve toutefois quelques traces de ces instruments dans le manuscrit de Budapest: dans certains passages, de brèves parties de trompettes, de trombones, de cymbales, de harpe, de timbales, voire de triangle, ont été ajoutées au-dessous de lignes déjà écrites. On pourrait certes imaginer qu'il ne s'agit ici que d'ajouts ultérieurs, en préparation d'une révision qui aurait eu lieu par exemple lors de l'adjonction du choeur final, en 1857. Mais il y a plus surprenant: dans certains cas, en l'absence de trompettes ou de trombones, c'est la mélodie principale elle-même qui manque [ex. 1].

Voici l'emplacement correspondant dans la version définitive de l'oeuvre [ex. 2].

On ne peut que s'interroger sur le fait que, dans la version du manuscrit de Budapest, ce passage n'a aucun sens. Il existe pourtant à cela une explication fort simple: pour des raisons qui nous sont inconnues, il arrivait à Franz Liszt à cette époque d'exclure les parties de trompettes, de trombones, de percussion et de harpe de ses partitions de travail; et de ne les écrire que sur des feuillets séparés, qu'il intercalait généralement entre les pages du manuscrit principal. Comme nous l'avons déjà fait remarquer dans notre précédent article, cette méthode est très clairement employée pour la troisième version du poème symphonique Ce qu'on entend sur la montagne (1854). Raabe signale exactement le même phénomène pour Hungaria (1854). Remarquons que ces deux oeuvres datent de la même année que la première version de la Faust-Symphonie. Il est donc aisé d'imaginer que Liszt a travaillé ici selon la même technique, mais que, dans ce cas-ci, à la différence de Hungaria ou de Ce qu'on entend sur la montagne, les esquisses séparées pour les cuivres, la percussion et la harpe se sont perdues...

 

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rmsr

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