No. 62/3    septembre 2009

 

Trois entretiens inédits d'Olivier Messiaen avec Stéphane Audel (1958)

Transcrits, présentés et annotés par Jean Boivin et Malou Haine

 

Introduction

Lorsque le journaliste et acteur dramatique Stéphane Audel prépare ces trois interviews avec Olivier Messiaen (1908-1992) pour Radio Lausanne en décembre 1957, il n'en est pas à ses débuts de journaliste musical. Il a déjà réalisé plusieurs autres émissions destinées à Radio Lausanne consacrées à des musiciens ou à des interprètes de son époque: Jane Bathori et Germaine Tailleferre (en 1953), Henri Sauguet, Georges Auric et Philippe Fauré-Frémiet (1954), deux séries d'émissions sur Francis Poulenc (1952 et 1954), Darius Milhaud (1956), André Jolivet et Jean-Michel Damase (1957). D'autres suivront sur Henri Dutilleux (1958), Marguerite Long, Jacques Février, Marcel Dupré, Pierre Bernac, Charles Münch et Michèle Auclair (1959), etc.

En décembre 1957, Olivier Messiaen vient d'avoir 49 ans. Il a déjà composé un nombre impressionnant d'oeuvres qui ont eu un retentissement considérable, à la fois en France et à l'étranger. Aux côtés d'Yves Baudrier, de Daniel-Lesur et d'André Jolivet, Messiaen a adhéré au manifeste du groupe Jeune France créé en 1936 et s'est ainsi positionné parmi les compositeurs de la modernité. Depuis cette époque, il n'a cessé d'affirmer ses positions esthétiques dans un certain nombre de critiques musicales parues dans diverses revues et surtout dans son premier traité de composition, Technique de mon langage musical (Leduc, 1944), qui surprendra de la part d'un compositeur encore relativement jeune. Sans oublier ni les importants textes de présentation qui accompagnent chacune de ses nouvelles oeuvres, ni les préfaces à ses partitions.

Une part importante de sa production est écrite pour l'orgue, car il mène une double carrière d'organiste et de compositeur. Il est d'ailleurs le titulaire des orgues de l'église de la Trinité depuis 1931, poste qu'il occupera jusqu'à la fin de sa vie; ses improvisations déconcertent quelquefois les fidèles. Sa foi catholique occupe une place importante dans sa vie et dans son oeuvre, comme le montrent très clairement les titres de nombre de ses compositions: L'Ascension (1933), Les Corps glorieux (1939), Trois petites liturgies de la présence divine (1943-1944), Vingt regards sur l'Enfant-Jésus (1944), Messe de la Pentecôte (1950). Mais son travail de compositeur révèle, au-delà des thèmes religieux qui l'inspirent, de réelles connaissances théologiques dont sa musique et les textes qui l'accompagnent se font le véhicule.

Dès les premières exécutions publiques de ses oeuvres (six des Préludes pour piano en mars 1930, puis Les Offrandes oubliées pour orchestre en février 1931), les critiques ont remarqué chez le jeune compositeur un don musical certain et un souci de renouveler le langage traditionnel en puisant à différentes sources, dont les neumes du plain-chant, la métrique grecque et les chants d'oiseaux. Depuis lors, chacune de ses compositions, ainsi que les abondants commentaires qui s'y greffent, soulèvent de vives discussions. La controverse atteint un point culminant au printemps 1945, au lendemain de la création parisienne du très long cycle des Vingt regards sur l'Enfant-Jésus suivie par celle des Trois petites liturgies de la présence divine, alors même que la France vit l'agitation de la Libération et que sont levées les restrictions qui menaçaient d'étouffer toute création d'avant-garde. Dans les journaux parisiens, notamment, on discutera avec ferveur du «cas Messiaen».

En 1947, Messiaen entreprend son premier voyage aux Etats-Unis où L'Ascension pour orchestre (1933) est dirigée par Serge Koussevitzky à Tanglewood. Cette même année, il est nommé professeur d'analyse et d'esthétique au Conservatoire de Musique de Paris, où il enseigne déjà l'harmonie depuis le printemps 1941 et révèle d'emblée des dons uniques de pédagogue. S'unissent en effet chez Messiaen un vif intérêt pour la musique moderne, une fascination pour le rythme et les techniques d'écriture les plus avancées, une complète maîtrise du piano et un regard nouveau jeté sur la musique du passé, de Machaut à Moussorgski, en passant par Claude Le Jeune, Mozart, Wagner et tant d'autres. Sa classe acquiert rapidement une renommée internationale, en particulier auprès des jeunes compositeurs, et attire des talents prometteurs dont bon nombre deviendront à leur tour des personnalités musicales importantes: Pierre Boulez, Pierre Henry, Serge Nigg, Marius Constant, Iannis Xenakis, Karlheinz Stockhausen, Gilbert Amy, etc. Sans négliger, parmi ses élèves les plus enthousiastes, les interprètes qui se feront un devoir de défendre les oeuvres nouvelles, tels la jeune et brillante pianiste Yvonne Loriod qui deviendra rapidement son interprète privilégiée ou le chef d'orchestre Maurice Le Roux, auquel on doit le premier enregistrement de la Turangalîla-Symphonie en 1961. Sans oublier non plus les futurs musicologues que seront Serge Gut, Manfred Kelkel, Odile Vivier, Daniel Charles ou Harry Halbreich.

Messiaen s'affirme donc de plus en plus au premier plan du paysage musical français de l'époque. En 1957, outre les nombreuses critiques ayant accueilli ses oeuvres, des articles lui ont déjà été consacrés et on lui accorde une attention plus ou moins soutenue dans quelques livres traitant de la musique française de l'après-guerre. Quelques brefs entretiens ont également été publiés dans des journaux ou revues musicales, tandis que le premier ouvrage entièrement centré sur sa personnalité, son esthétique et son oeuvre, écrit par Claude Rostand, vient de paraître. En 1955, Messiaen a enregistré ses oeuvres pour orgue à l'église de la Trinité. Deux éditeurs français se partagent la publication de la majorité de ses oeuvres: Auguste Durand depuis 1929 (Huit Préludes pour piano, puis Trois mélodies, Les Offrandes oubliées, etc.) et Alphonse Leduc à compter de 1932 (Le Banquet céleste, Thème et variations pour violon et piano, etc.). A l'étranger, les Anglo-Saxons montrent un intérêt croissant pour son oeuvre. En juillet 1949, il enseigne la composition à Tanglewood, aux Etats-Unis. Les Allemands ne sont pas en reste. En juin de cette même année 1949, Messiaen fait un premier séjour à Darmstadt, où ont lieu les fameux cours d'été consacrés à la musique contemporaine, pour y donner la création allemande des Visions de l'Amen avec Yvonne Loriod. Il est invité à y enseigner l'analyse et la composition à l'été 1952, puis à nouveau l'année suivante. Ses oeuvres sont entendues avec régularité aux Ferienkurse et le jeune Stockhausen est notamment très impressionné par ses Quatre études de rythme pour piano (1949-1950). Sa réputation de chef de file de la jeune avant-garde européenne se confirme grâce à ce rayonnement à l'étranger...

 

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RMSR septembre 2009

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