No. 63/4    décembre 2010

 

Editorial

Les Italiens maudits

L'histoire de la musique, telle qu'elle est enseignée actuellement, fait certainement la part belle aux compositeurs italiens -- et à bon droit, car leur apport figure parmi les plus importants. Il existe pourtant une période où leurs mérites sont loin d'être reconnus: l'époque classique. Si Monteverdi, Gesualdo, Corelli, Vivaldi ou Domenico Scarlatti sont proches aujourd'hui de faire l'unanimité, que dire d'un Boccherini (1743-1805) ou d'un Clementi (1752-1832)? Le premier nous apparaît comme une sorte d'outsider, pratiquant un style quelque peu étrange; le second -- bien pire -- comme une vieille barbe pédagogique. Pourtant, si l'on se penche sur leur oeuvre, on y découvrira de vraies merveilles. Encore plus méconnu, Giovanni Battista Sammartini (vers 1700-1775) est sans doute le créateur de l'esthétique classique, celle-là même qui fera le succès universel de Haydn et de Mozart. Et comment ne pas penser ici à Salieri (1750-1825), calomnié par Pouchkine, puis par Miloš Forman dans son film Amadeus -- Salieri qui fut le maître de Schubert, et qui ne peut pas avoir été le médiocre jaloux que l'on nous a présenté? Comment ne pas penser encore à Cherubini (1760-1842), honni par Berlioz mais considéré par Beethoven comme le plus grand compositeur vivant? Avec Rossini et Paganini, dès 1800, l'Italie finit par reprendre des couleurs. C'est sans doute peu de chose que ce demi-siècle de désamour; mais cela doit suffire pour attiser notre curiosité. Avec Alessandro Dozio, qui nous présente avec enthousiasme les créations méconnues de Boccherini (p. 18), et avec Olivier Cavé, qui joue pour nous quelques sonates du surprenant Clementi (p. 10), nous avons souhaité entrouvrir pour nos lecteurs les portes de ce purgatoire: non, ces âmes en peine ne sont pas des anges mauvais!

Vincent Arlettaz
Rédacteur en chef

 

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Revue Musicale de Suisse Romande décembre 2010

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(page mise à jour le 20 décembre 2010)