Editorial
'Si je devais devenir bien vieux'
Par Vincent Arlettaz
Lausanne, la cité et la cathédrale, dessin de Felix Mendelssohn,
7 août 1842
(in : Blunt 1974, p. 233)
La région lémanique, selon toute apparence, aura été décisive pour la redécouverte du chef-d'oeuvre de musique sacrée qu'est le Psaume 42 de Mendelssohn: après des décennies d'oubli total, cette partition fut dénichée par le chef Chen Liang-Sheng, qui la fit exécuter par le chœur de l'Université de Genève, puis qui l'enregistra (probablement en première mondiale) pour le label romand VDE-Gallo. Autre chef fameux en nos contrées, Michel Corboz suivit ses pas, et la grava à son tour pour Erato, en 1978; pour l'occasion, il avait eu recours à son ensemble symphonique de référence, le chœur de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne. Mais par la suite, il reprit l'oeuvre avec l'Ensemble Vocal de Lausanne, qui en fit un pilier de son répertoire, la chantant notamment à la Folle Journée de Nantes, et un peu partout ailleurs, aussi bien en Suisse qu'à l'étranger.
Un demi-siècle plus tard, personne ne pourrait nous enlever cette partition, magnifique réflexion sur la quête de sens, la soif de spiritualité; même nos chorales d'amateurs s'y mesurent avec succès. Cette contribution de la Romandie à la connaissance et à l'amour de l'oeuvre de Mendelssohn n'est qu'un juste retour des choses, pour celui qui se passionna déjà très jeune pour notre pays: le premier séjour du compositeur dans notre région remonte à l'année 1822 (il avait 13 ans). En été 1831, «pour la première fois de sa vie», à 22 ans, il effectue une excursion à pied, partant de Martigny pour gagner Chamonix par le col de la Forclaz et le col de Balme, non sans croiser une élégante et mystérieuse dame effrayée par le brouillard. Quelques jours plus tard, au pied de la Dent de Jaman, sur les hauts de Montreux, au terme d'une ascension qui lui a permis d'admirer une fois de plus son cher Léman, il écoute, captivé, les histoires villageoises que lui conte Pauline, une jeune paysanne qui lui sert de guide, et qu'il décrit avec une émotion particulière. Et au moment de quitter le Canton de Vaud pour rejoindre Saanen et Zweisimmen, il s'exclame: «De tous les pays que je connais, celui-ci est le plus beau, et celui où je voudrais le plus habiter, si je devais devenir bien vieux.»* Mendelssohn, on le sait, est mort à 38 ans.
Vincent Arlettaz
* Felix Mendelssohn Bartholdy (1958) : Briefe einer Reise durch Deutschland,
Italien und die Schweiz, Zürich, Max Niehans, p. 189-194.
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